Il y a des mots qui font vibrer la gourmandise chauvine de tout bon Réunionnais : letchi, bichique, et … palmiste !
A l’époque de l’Isle Bourbon, notre terre regorgeait de palmistes et les résidents de l’époque découvrirent vite que le cœur de cet arbre était un mets délicieux, notamment celui du palmiste rouge (Acanthophoenix rubra ou Acanthophoenix Crinita). Or, il s’avère qu’il s’agit d’un palmiste endémique à La Réunion et qu’il fut menacé de disparition tant nos aïeux usèrent et abusèrent de son chou par le biais de coupes sauvages frénétiques.
Au milieu du XIXème siècle, une loi sur la sauvegarde des espèces vint heureusement interdire ce braconnage qui menaçait l’équilibre naturel et la biodiversité de notre île.
Aujourd’hui, le palmiste jouit toujours d’une excellente réputation auprès des gourmets, mais plutôt que des prélèvements irresponsables de palmistes dans la nature, une quarantaine d’exploitants agricoles le cultivent, principalement dans la zone comprise entre Bras Panon et Saint-Philippe.
Le palmiste rouge est un produit de luxe pour diverses raisons : une culture avec peu de rendement puisqu’il faut compter 3 à 7 ans de développement de la plante pour pouvoir récolter le chou, une culture nécessitant beaucoup de travail pour l’entretien des parcelles et le renouvellement des semis, un chou de palmiste vendu brut avec son écorce et dont le client ne consommera au final que 35 à 40% du produit après l’avoir dépecé.
Pour favoriser la diversification des pratiques agricoles tout en répondant aux attentes des consommateurs, le CIRAD (*) mit en place en 2005 un projet de culture d’une nouvelle espèce de palmiste, très répandue en Amérique du Sud depuis des siècles : le palmiste péjibaye (Bactris gasipaes). Douze agriculteurs qui cultivaient déjà le palmiste rouge furent sélectionnés pour participer à ce programme sous le contrôle du CIRAD. Henri Gossard, exploitant agricole installé à Bras Panon en fait partie et nous explique les grandes lignes de l’intérêt du palmiste péjibaye.
Le péjibaye a été choisi pour développer une filière proposant un palmiste dit « de transformation » dans l’objectif de rendre ce produit plus accessible pour le consommateur. Plus accessible en terme de disponibilité puisqu’il est aujourd’hui proposé en barquette dans les hypermarchés sous la marque Tropi Légumes et en terme de facilité à cuisiner puisqu’il est déjà épluché et découpé, prêt à cuire ou à assaisonner.
Pour les gourmands que nous sommes, le péjibaye présente le grand avantage de ne pas s’oxyder rapidement comme c’est le cas pour le palmiste rouge et de rester blanc et frais pendant 5 jours après avoir été épluché. Livré prêt à l’emploi pour en faire une salade par exemple, nous n’avons plus le tracas de sortir la machette et tenter souvent maladroitement de dépecer le chou de palmiste brut et de manger moins de la moitié du produit acheté une fois que toutes les épaisseurs d’écorce ont été retirées. Qui n’a pas connu cette frustration avec le palmiste rouge ?
Pour l’agriculteur, le péjibaye est notamment intéressant du fait de sa croissance rapide (en moyenne 18 à 24 mois versus 3 à 7 ans pour le palmiste rouge). Par ailleurs, il est le seul palmiste à faire des repousses naturelles : il se régénère donc tout seul, sans qu’il y ait besoin de le replanter. Cela facilite donc une partie du travail de l’exploitant tout en assurant la pérennité de la culture. Enfin, les caractéristiques intrinsèques du péjibaye et le contexte environnemental à La Réunion qui lui est particulièrement favorable permettent de réduire significativement l’usage de produits phytosanitaires pour sa culture et proposer ainsi un légume sain et naturel.
Tous ces attraits ont largement séduit M. Gossard qui a récemment agrandi sa parcelle de palmiste pejibaye. Il insiste cependant sur le fait que le pejibaye est un palmiste de 4ème gamme qui ne doit pas être comparé au palmiste indigène. Ce dernier ne peut être vendu qu’en chou brut et garde une très forte authenticité en terme de goût et de texture du fait de sa croissance lente.
Depuis fin 2011, Henri Gossard a mis en place un atelier de transformation au cœur de sa propriété, lui permettant de proposer le palmiste péjibaye à la vente directe, débarrassé de son écorce : le cœur extra frais est livré sous film alimentaire.
Mélange subtil de noisette et de coco, le cœur de péjibaye se distingue par sa fraîcheur, sa tendreté alliée à une texture croquante.
Dans les nombreuses recettes de la Réunion, on utilisera la partie supérieure du cœur de palmiste pour réaliser les salades, en mettre dans les caris avec une cuisson courte ou pour les faire revenir rapidement au wok.
Le talon – la partie basse – étant plus dense et dur, il sera très bien pour mitonner des daubes ou se régaler avec un bon gratin de palmiste !
Voilà une bonne solution pour manger plus souvent de ce savoureux produit, tout en gardant le plaisir de la saveur unique de notre palmiste rouge pour les sorties au restaurant ou les grandes occasions !
Un immense merci à Nathy de Kalou & Cook pour la rédaction et les photos de ce superbe article.
(*)CIRAD : Centre de Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) français créé en 1984 et spécialisé dans la recherche agronomique appliquée aux régions chaudes. (définition : source Wikipedia)
quelqu’un pourrait m’indiquer où on peut acheter des plants de palmiste pejibaye. Merci pour une réponse éventuelle.
Desolé,mais rien à voir avec le bon palmiste endémique, le péjibaye je l’ai gouté et je suis déçu,ça laisse une amertume en bouche, aussi l’impression d’avoir la bouche qui gratte après l’avoir mangé.